MIGNONNES, ECOUTEZ LE POÈTE

Mignonne, allons voir si la rose

Qui ce matin avait déclose

Sa robe de pourpre au Soleil,

A point perdu ceste vesprée,

Les plis de sa robe pourprée,

Et son teint au votre pareil.

 

Il avait raison le poète

D’ainsi aller conter fleurette

Avant que l’automne ne dépose

Sur le visage de sa Cassandre

Ca et là des reflets de cendre

Venant faner son teint de rose.

 

Las ! voyez comme en peu d’espace,

Mignonne, elle a dessus la place

Las, las, ses beautés laissé choir !

O vraiment marâtre Nature,

Puisqu’une telle fleur ne dure

Que du matin jusques au soir !

 

Il avait raison le poète

Ecoutez-le, mes mignonnettes,

Sur la plus belle de vous toutes

Dame Nature sévit sans pitié

A mesure que passent les années.

Ne perdez pas de temps en doute.

 

Donc, si vous me croyez, mignonne,

Tandis que votre âge fleuronne

En sa plus verte nouveauté,

Cueillez, cueillez votre jeunesse 

Comme à cette fleur la vieillesse

Fera ternir votre beauté.

 

Il avait raison le poète

Cueillez, cueillez les amourettes

Et laissez là votre vertu.

Ouvrez votre cœur aux poètes

Qui désirent avec vous, fillettes

Partager les fruits défendus.